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La Dame du Falgueyret
21 août 2018

Soeur Pétronille

de F. est de retour en France pour quelque temps

008

 

Elle nous a donné de ses nouvelles très intéressantes :

extrait : "... La réalité est bien différente de celle de l'Amérique Latine, mais j'aime ce changement ! Et comme partout dans nos maisons le travail ne manque pas. Il diffère de par la culture, les moyens économiques, la langue... certes ; mais je rencontre en chacune des personnes que je visite une véritable ressemblance avec mes amis salvadoriens, le même combat, les mêmes désirs, le même cœur... juste un peu plus plaintifs, si je peux me permettre... A ce sujet, il y a quelque chose qui me frappe beaucoup, c'est la différence d'attitude face aux lourdes épreuves de la vie. Au Salvador cela pourrait s’exprimer par : « Cela fait parti du bon vouloir de Dieu et il faut donc se résigner ». En France la phrase qui revient souvent est : « Je ne comprends pas comment le Bon Dieu peut permettre cela ! » Cette dernière phrase est douloureuse à entendre. Elle me donne envie d'être plus proche de celui qui la prononce, et d'être plus proche de Dieu.  Je visite beaucoup les personnes âgées et en particulier celles qui vivent à la maison de retraite voisine. Elle se trouve à peine à cinq minutes à pieds de la maison. J'aime y rencontrer Monsieur G., un ancien marin au long cours qui délectait l'équipage avec ses pâtisseries. Il est drôle, confortablement installé sur le même fauteuil, dans le même coin du salon et conversant avec « ces dames », car il ne cache pas « aimer les femmes ! ». Il aime aussi nous provoquer car il se dit athée. Cependant il n’hésite pas à faire des citations qui parlent de Dieu, et je ne manque pas de le taquiner en retour. Ce même Monsieur G. ne se trouvait pas à son endroit habituel l’aprèsmidi où j'avais commencé à vous écrire cette lettre. J'entends les amis avec lesquels il aimait discuter, commenter son absence en chuchotant. Inquiète, j'interroge l'infirmière qui me dit à voix basse qu'il est mort il y a quelques jours. Voyant ma peine, elle me confie que tout le personnel soignant est aussi bien affecté par son départ. Il vivait là depuis de nombreuses années, il était attentif à chacun et il aimait plaisanter. Je confie spécialement à votre prière le repos de son âme. Ensuite il y a Madame L. qui a 98 ans et qui reste couchée dans son lit. J'aime bien aller la voir. Avec sa maladie elle a de temps en temps des crises d'humeur. C'est d'ailleurs cela qui m'a attiré à elle. La première fois que je me suis rendue dans sa chambre c'est parce qu'elle criait désespérément : « J'ai faim ! J'ai faim ! » avec son bon accent franc comtois. Interpellée par cette demande je m'approche de son lit et y trouve une toute petite dame bien frêle. Devant elle, se trouvaient les restes de son goûter dont elle ne se souvenait déjà plus ! De plus il est vrai qu'elle a bon appétit ! Parfois elle ne trouve pas ses mots alors elle s'énerve contre elle-même, devant ces bégaiements : « Je ! … Je ! … vou !... vou !... vou !... Ah zut ! » finit-elle par crier de désespoir. Puis elle reprend ses esprits et nous bavardons un bon moment. Lors des dernières visites elle se sentait trop fatiguée pour bavarder et je l'ai trouvé toute douce ; parfois nous avons terminé la visite par les prières qu'elle est toute fière de se rappeler, les ayant priées quotidiennement. Elle aussi est en train de nous quitter pour le Ciel. Il y a aussi Monsieur H. et Monsieur W. qui se rendent chaque jour au secteur protégé de la maison de retraite pour passer du temps auprès de leurs épouses respectives et ce depuis de longues années. Combien grande est la tendresse entre eux ! Il est émouvant d'en être témoin ! Je ne crois pas que l’on puisse trouver de meilleur infirmier pour leur femme ! Monsieur H. a 90 ans, il était enfant de cœur durant douze ans et maçon de métier ; il vient d'un beau petit village des environs. Il est grand, il a de beaux yeux bleus et se tient bien droit avec sa canne et son béret sur la tête. Il semble toujours aussi amoureux de sa femme. Cette dernière souffre de la maladie d'Alzheimer et elle ne reconnaît personne à part lui : « C'est mon mari ! » nous a t-elle dit quelque fois bien fière. Monsieur H. a bien du mal à la faire tenir sur son fauteuil et il lui dit gentiment : « Assieds-toi, viens te reposer ma chérie. » Et alors elle se rassoit mais sur les fragiles genoux de son mari ! « Mais ma chérie je ne peux plus te porter maintenant ! » Comme j’aimerais que vous puissiez voir le regard de cet homme, si beau, si plein du ciel !  Monsieur W. est plus jeune et est argentin. Sa femme est en fauteuil roulant et ne peut pratiquement plus parler avec des mots ; ils se parlent avec les yeux, le cœur. Elle, on dirait une elfe, grande, les trais fins, de longs cheveux blanc, le visage pâle, servie par son tendre homme qui est presque « à ses pieds. » Il lui donne à boire à la paille pour éviter qu'elle ne se déshydrate, la recale sur son fauteuil si elle gémit un peu... Il est tout attentionné et ne semble se lasser d'être aux côtés de sa femme malade. L'autre jour nous parlions ensemble devant elle, au bout d'un moment elle a commencé à gémir trouvant que l'on ne faisait certainement pas assez attention à elle. Monsieur W. (qui sait parler aux femmes ... et en particulier à sa femme !) l'a tout de suite tranquillisé, en l'embrassant, lui parlant tendrement. Son amour pour sa femme est si grand que tout en se disant athée il demande au prêtre de passer voir sa femme car elle aimait passer du temps à l’église..."

 

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